Mes yeux s'animaient, mes doigts palpaient des étoffes de plus en délicates, ma carte de crédit bouillonnait... Aucun doute, les rayonnages qui s'étiraient devant moi appartenaient bien à Louis Vuitton, mon magasin préféré après Chanel et l'indétrônable H&M, qui me comblait toujours même si je pouvais prétendre à des marques bien plus onéreuses et huppées.
"Alors Mlle Bilson, avez-vous choisi?"
Toutes les vendeuses me connaissaient ici. En même temps, comment ignorer une fille qui dégaine ses 15 cartes de crédits au moindre coup de cœur? Je détestait me faire remarquer, sauf cas très précis. Pourtant, lorsque je faisais mon shopping, je passais difficilement inaperçue, traînant à chaque fois d'innombrables sacs remplis d'achats.
La vendeuse laissa échapper un petit gloussement - à mon oreille, cela sonnait plutôt comme le glapissement d'impatience d'un york qui attend sa gourmandise. Si j'étais amie avec plusieurs vendeuses, certaines -comme celle-ci, m'horripilait. Ses yeux brillaient de cupidité dès qu'ils se posaient sur moi: si la scène s'était jouée dans un dessin animé, on aurait vu le signe dollar clignoter dans ses prunelles.
J'avais sur les genoux deux fabuleuses pairs de chaussures, fabuleusement hautes, et surtout extraordinairement chères. Dans un élan de bon sens, je m'étais résolue à n'en prendre qu'une parce que, même pour moi, dépenser une telle somme pour seulement deux paires de chaussures était quelques peu scandaleux. Évidement, la vendeuse me poussait à prendre les plus chères (c'est à ce moment que je compris que les vendeuses de Louis Vuitton touchent une commission proportionnelle au prix de chaque article vendu...)
"Bien-sûr, elle sont belles", rétorquais-je après un énième conseil de la vendeuse m'indiquant de prendre les plus couteuses, "mais comme je n'arrive vraiment pas à me décider, j'aimerais bien avoir un avis... objectif" lâchais-je avec un air plein de sous-entendus. Le sourire de l'employée se décomposa.
C'est alors que j'entendis quelqu'un persifler par dessus mon épaule...